7 Août 2022
Tourisme de masse, destruction en masse
C’est peut-être sur la côte méditerranéenne de l’Espagne que le tourisme de masse connaît son premier essor. A l’initiative de Franco, dénoncé par les anarchistes espagnols, il se développe, protégé par le pouvoir et ses forces de répression. Henri Mora nous offre, dans son livre Désastres touristiques, une analyse décapante de ce phénomène qui tient le monde aujourd’hui. « Il est une industrie transformant le monde dans sa globalité en produit à consommer. »
Des chiffres impressionnants, l’industrie touristique concerne 1,5 milliard de « clients » en 2019. Des investissements étatiques, des infrastructures de transports, d’accueil, des transformations des paysages permettent l’accessibilité aux zones les plus isolées du monde. En France, le développement des côtes languedocienne, aquitaine, la Côte d’Azur, le plan montagne créent la demande et la concentration, 20% du territoire pour 80 % des touristes. Le temps des congés est modifié, les réseaux sociaux manipulent les touristes potentiels en leur faisant croire qu’ils doivent se rendre dans tels pays ou régions.
La surfréquentation, l’engorgement de la circulation engendrent crispations et aigreurs. Le client est roi mais les lieux de vie se réduisent pour les habitants. Peu de résidents dans les centres-villes, en raison de la hausse des prix, des locations saisonnières, on en fait des villes fantômes. Evidemment cette concentration accompagnée d’une demande de confort conduit à la raréfaction et la pollution des sols, de l’eau, le développement de l’avion, un pollueur majeur, sans oublier les bâtiments de croisière.
Une authenticité artificielle
Pour satisfaire une demande créée artificiellement, s’organise une monoculture touristique, les sports d’hiver par exemple, les habitants sont remodelés avec en prime l’insécurité de l’emploi, de faibles salaires. On vend une authenticité totalement artificielle. Airbnb instrumentalise aussi les « hôtes ». « Le tourisme transforme toute réalité et tout sentiment réellement vécus en simple curiosité et, tout au plus, en émotion stimulée par sa mise en vitrine. Il transforme le réel en représentation. » Il faut satisfaire le touriste-payeur. Or, « nous perdons forcément quelque chose d’important lorsque l’hospitalité devient une prestation tarifée… »
Le gigantisme des équipements exige l’intervention des pouvoirs publics. Pour un « Notre-Dame des Landes » annulé, combien de structures détruisent des sols ? L’exemple de Disney est typique pour créer un monde illusoire, tout comme les centers parcs.
Le capitalisme fait du fric de tout bois avec sa démarche productiviste. A noter en annexe du livre, l’analyse de la marchandisation des Pyrénées catalanes par le club de randonnée libertaire, Piolet Negre, une activité sportive très prisée dans nos milieux.
Francis PIAN
Henri Mora
Désastres touristiques
Ed. L’échappée, 2022
article dans Le Monde Libertaire N° 1841 Juillet Août 2022