Midinettes en lutte !

ML-mars 2022 : Midinettes en lutte

Midinettes en lutte !

L’ouvrage de S. Kurkdjian et S. Tinturier intitulé Au cœur des maisons de couture à l’ambition de redonner une place sociale aux ouvrières de la couture et de déconstruire une image par trop glamour : des midinettes.

Celles-ci furent longtemps ignorées de l’histoire de la mode même si elles furent toujours au cœur de la chaîne de production du vêtement entre 1880 et 1950. Les autrices se proposent donc de leur redonner une voix et une vie. Elles nous proposent de les redécouvrir tant au travail, que dans leur vie et habitudes et bien sûr au travers des luttes sociales dans lesquelles elles furent moteur et sur lesquelles j’insisterai. Elles précisent aussi d’emblée ce que représente le travail dans l’ombre de milliers de femmes (50 000 en 1890) et qui dès 1920 atteint le 2^e rang des industries exportatrices françaises.

Ateliers dits de haute couture où règnent un ordre et une hiérarchie stricts dans un monde « taylorisé » où la pénibilité du travail et la précarité sont le lot commun et le salaire de misère la règle. Néanmoins dès 1860, on note les prémices d’un syndicalisme chez les couturières parisiennes, comme chez les ovalistes de Lyon autour de l’AIT. Elles mènent de 1901 à 1935 de nombreuses grèves pour un salaire décent, la journée de 8 h et la semaine anglaise. En 1917, la grève est victorieuse et précède de quelques mois celle des munitionnettes dans les usines d’armement. En 1923 encore des milliers de femmes en cortège vers la Bourse du travail et un nouveau pas vers l’émancipation au grand dam de ceux qui n’avaient pas compris qu’une « femme qui se coupe les cheveux est une femme qui s’apprête à changer de vie ». Nouvelle mobilisation en 1935 qui préfigure, selon les autrices, « les grandes luttes revendicatrices » du front populaire avec en riposte patronale le travail à domicile qui éloigne les activistes et de fait rend le travail d’organisation difficile : « les patrons en profitent ». A la Libération encore des luttes revendicatives dans la haute couture toujours pour les mêmes raisons : « vous faites payer trop cher et vous ne nous payez pas assez cher ».

Des grèves à répétitions d’une classe ouvrière féminisée vers l’émancipation, une belle page d’histoire. D’autres corporations aujourd’hui pourraient prendre la relève, espérons-le !

Hugues

Gr. Commune de Paris

Kurkdjian S. et Tinturier S., 2021, Au cœur des maisons de couture, une histoire sociale des ouvrières de la mode (1880-1950), Ivry, Ed. de l’Atelier.